J'avais dans un article précédent parlé de la "re-découverte" de Lovecraft à Paris par un jeune étudiant américain, originaire aussi de Providence, Paul Michaud et qui de retour au pays allait fondé avec son jeune frère Marc, la fameuse maison d'édition Necronomicon Press.
Paul nous a écrit pour nous donner un complément d'information qui intéressera tous les fans:
«Ce
que vous avez découvert, et "ressuscité" n'est qu'une
petite partie de l' histoire originale, acquise dans un premier temps
par Jann Wenner du Rolling Stone Magazine puis plus tard par la
critique de livres du New York Times (qui a perdu les négatifs que
je leur avait envoyé), qui, au final ne l'ont pas publiés. Plus tard
ce fut August Derleth qui, si je me souviens bien, a utilisé
quelques photos que j'avais eu la bonne idée de faire tirer avant
d'envoyer les négatifs. Ce qui a été publié dans le Evening
Bulletin n'est qu'une pâle reflet de mon article originel qui
contenait, entre autres, une plus grande partie de l'interview que
j'avais obtenu de Jacques Bergier, qui a passé des heures avec moi
dans son bureau des Champs-Elysées au cours du mois de d'Août 1970
(par ailleurs, des années plus tard, lorsque Louis Pauwels,
exécuteur littéraire de Bergier qui est également devenu un ami, a
remis les archives de Bergier à la bibliothèque publique de
Saint-Germain-en-Laye, j'ai remarqué que l'enveloppe marquée par
Bergier comme contenant sa correspondance avec Lovecraft", était
... vide). Quant à "compléter" la version de mon
histoire, il y a quarante les ordinateurs personnels n'existaient pas
et il n'y avait aucun moyen de mémoriser ses écrits, en dehors de
l'utilisation, sur une machine à écrire, de papier carbone, ce que
je n'ai malheureusement pas fait à l'époque.
Je ne me souviens que l'original a été tapé sur de grands bon à
tirer de l'Evening Bulletin. J'avais été leur correspondant quand
j'étais lycée, aux côtés de sommités comme le romancier Lesley
Horwitz, ou encore l'acteur James Wood, et je savais qu'ils allaient
prendre tout ce que j'avais été incapable de vendre sur le marché
des grands journaux. Il est possible que mon frère Marc Michaud, qui
a repris le flambeau de Necronomicon Press à la fin des années
1970, a ces bon à tirer dans ses archives, mais étant donné ses
constants déplacements, les inondations et autres catastrophes,
auxquelles il a été confronté ces dernières années, je doute
qu'il sache ou se trouve l'article original et mes notes.
Par
ailleurs, mon seul contact avec Lovecraft jusqu'à ma première
visite à Paris en 1970, fut par le biais de Ted Klein, à qui j'ai
succédé en 1969 comme rédacteur en chef du Brown Daily Herald ,
le journal étudiant de l'universite de Brown (Providence), et qui
avait écris un magnifique morceau Lovecraftien : "Les
événements de ferme Poreth», que Necromicon Press réimprima plus
tard, et qui apparu à l'époque dans l'une des collections annuelles
de meilleurs écrits de Fantasy.
Ted
durant ses dernières années à Brown vivait en colocation (avec 9
colocataires!) dans un appartement à Thomas Street ( Providence),
qui figure en bonne place dans un conte de HPL (The Camm of Cthulhu). C'est aussi
grâce à Ted que j'ai pu rencontrer un très jeune écrivain
également très influencé par Lovecraft, et non encore publié à
l'époque: Stephen King. Lui et Ted, objecteurs de conscience,
enseignaient ensembles l'anglais dans une école du Maine, et ce afin
d'éviter d'être envoyé au Vietnam – une chance pour eux – .
J'espère que ces renseignements vous aideront. Je vous envoie
également une copie de l'article en français que j'ai fait il y a
six ans à l'occasion de la mort d'un autre expert Lovecraftien :
Francis Lacassin, qui est devenu une sorte de grand frère pour moi
et qui pendant mes années en France m'a aidé à faire mon chemin
dans un monde littéraire assez complexe.
Toutes
mes meilleures pensées pour vous deux (Kate de la Providence Public
Library qui m'a envoyé l'article de Paul et moi même donc) et merci
encore pour avoir déterrer mon travail et de lui donner une
importance dont je ne soupçonnais pas l'importance! »
En exergue
l'article sur Francis Lacassin (1931-2008) qui fut lui aussi un des grands artisans du succès de HPL en France et tous mes remerciement à Paul pour
nous faire partager cette page d'histoire sur la (re)découverte de
HPL des deux côtés de l'océan.
Francis Lacassin – une
appréciation
par Paul Michaud
Décédé
à
Nice très
discrètement
le 12 août 2008, Francis Lacassin était
un « touche-à-tout
de génie, »
comme le disait Christine Albanel dans l’hommage qu’elle lui a
rendu le surlendemain.
Éditeur, écrivain,
scénariste
de Franju et Simenon, auteur de plusieurs milliers de préfaces,
responsable d’avoir fait connaître en France l’ œuvre de Jack
London, Francis était
entré
dans ma vie il y a presque 40 ans, et ceci afin de ressusciter
pour la France la vie et l’œuvre d’un autre grand auteur
Américain
mal connu, Howard Phillips Lovecraft, né
comme moi, à
Providence, la ville où mon jeune frère
et moi avions fondé
une maison d’édition,
Necronomicon Press, destinée
à
rééditer
toute l’œuvre de Lovecraft et le faire connaître à
travers le monde, un travail de bénédictin
qui a servi comme base au projet de Francis d’éditer
en 1991 les Œuvres
de Lovecraft dans la collection Bouquins chez Laffont.
Ce qui était
une passion est devenue pour Francis une obsession. Un des projets
dans lequel il croyait le plus, et qu’il tenta de réaliser
avec persistance les vingt dernières
années
de sa vie, fut de photographier tous les endroits au Rhode Island
associés
à
« HPL, » comme on dénommait
assez familièrement
le sage de Providence, Francis ayant eu un bon souvenir d’un autre
ouvrage, fait dans le Far-West américain
quelques années
auparavant, où il avait pu photographier des endroits aussi
fascinants qu’insolites. Il est dommage que l’ouvrage sur
Providence ne s’est jamais fait car s’il existait un auteur pour
un tel ouvrage, c’était
sûrement Francis, qui nous aurait fait apprendre des choses sur une
personne et un endroit dont même moi je croyais tout connaître. Il
avait cette perception percutante des choses, une vision qui perçait
les convenances et autres masques et sut voir derrière
les apparences, ce qui rendait ses ouvrages fort pertinents.
Dix-sept ans plus âgé
que moi, il fut une sorte de grand-frère,
m’ouvrit des portes partout où je le désirais,
partout où il le voulait : auprès
de Georges Simenon et sa famille, Alain Resnais, Léo
Malet, Boileau et Narcejac,
parmi des douzaines d’autres personnalités.
Je me rends compte que j’étais
un des derniers récipiendaires
d’une de ses lettres, et ceci à
quelques semaines de sa mort – une mort qui me surprenait car
Francis ne donnait pas l’impression d’être en train de mourir.
Déjà,
j’avais été
auprès
de lui en 2001 ou 2002 quand il recevait une lettre de la Salpêtrière
lui apprenant l’existence d’un problème
avec ses poumons, mais positif tel qu’il fut pendant si longtemps,
Francis prenait ces nouvelles avec courage, et quand il m’écrivit
récemment
– ceci à
l’occasion du décès
de ma propre mère,
une femme qu’il appréciait
- c’était
pour me donner l’impression que sa maladie était
derrière
lui, qu’il pensait entamer de nouveaux projets, surtout de vendre
son grand appartement du boulevard Jourdain pour louer un petit
studio à
Paris, ceci pour entreprendre une vie plus mondaine qu’il pu
poursuivre à
Nice. Il m’annonça même la publication prochaine d’un Alexandre
Dumas inattendu, dans
lequel il consacrait un chapitre au Château de Monte Cristo, situé
pas très
loin d’où j’habite à
Marly-le-Roi. Il appréciait
surtout les marginaux, ceux qui ne ressemblaient pas aux autres ;
c’est dans ses mémoires
que j’ai appris que s’il m’estimait c’est parce que, pour
lui, j’étais
– tout comme Christian Bourgois - un « universitaire
défroqué, »
car j’avais décidé
un jour d’abandonner un poste prestigieux d’enseignant à
Harvard pour venir en France rechercher mes racines - aussi prendre
la nationalité
française
- et faire la connaissance de Francis Lacassin.
Ce qui me frappait surtout
chez Francis c’était
sa simplicité,
disponibilité
et générosité,
sa bonhomie, un enthousiasme pour la vie qu’il sut communiquer aux
autres : comme l’héros
d’un roman qu’il voulait que je traduise pour la France, Mr
Blue de Myles
Connolly, « he
made others friendlier »
il rendit les autres plus sympathiques. En bref, pas seulement
il aimait son prochain, il voulait que son prochain aime les autres.
Je ne pense pas l’avoir jamais entendu dire le moindre mal d’une
autre personne, même quand ces autres le trahissaient, ce qui lui
arrivait trop souvent. Je pourrais même dire, comme le faisait un
autre ami commun, François Truffaut, écrivant
sur le mort d’André
Bazin, qu’il fut un homme «d’avant le péché
originel. »
Francis était
très
proche de son enfance, surtout fier de son adaptation de Maigret
et l’Enfant de Chœur
pour Jean Richard, m’affirmant que l’enfant de chœur en question
lui ressemblait autant que Simenon. Je pense, voire, qu’on pourrait
attribuer à
Francis les mots de Georges Bernanos, qui déclarait,
en 1948: « Qu’importe ma vie, je veux seulement qu’elle
reste jusqu’au bout fidèle
à
l’enfant que je fus. »
Joli article et Jacques Bergier? Il a fait beaucoup pour l'introduction de HPL en France
RépondreSupprimerJ'en parle dans ce même blog ici >>> http://innsmouthmania.blogspot.fr/2013/07/lovecraft-une-aventure-litteraire-en.html
RépondreSupprimer